
Problématisation et problème scientifique
Problème scientifique et problématisation des savoirs
La prise en considération des conceptions des apprenants dans le processus d’enseignement-apprentissage a représenté une recommandation essentielle soulevé dans les recherches en didactique des sciences de la Vie et de la Terre, car ces conceptions résistent à l’acquisition et l’appropriation des connaissances et de savoirs scientifiques par l’apprenant. La prise en compte des conceptions des apprenants s’intègre dans une approche purement constructiviste de l’enseignement-apprentissage, vue que les conceptions surtout erronées peuvent entraver les essais de participations de l’apprenant dans la construction d’un tel savoir ou une partie de ce dernier. L’étude des conceptions nous donne une idée claire de la pensé de l’apprenant, qui nécessite une analyse didactique profonde pour les interpréter et les expliquer. Cette nécessité est confirmée par Astolfi (2005) en montrant que la science est une construction. Dans ce même sens, Orange (1999) a proposé d’aller un peu vers l’avant, de dépasser le travail sur les conceptions alternatives des apprenants, sans négliger leur importance, et de se focaliser sur le travail relatif à la construction et à la formulation des problèmes scientifiques.
Plusieurs recherches en didactique des sciences se sont s intéressées au problème scientifique dans le processus d’enseignement-apprentissage dans le but d’avoir un enseignement pertinent et significatif. Plusieurs concepts et notions didactiques ont été évoqué à ce propos, vu leur importance dans l’acquisition et la maitrise des savoirs, comme la problématisation, la situation problème, situation de déclenchement… « Bachelard et Dewey situent le problème par rapport au savoir et par rapport à l’élève, et tout irait bien si les élèves posaient eux- mêmes un problème scientifique » (Sauvageot-Skibine (1995).
Il ressort clairement du discours éducatif officiel marocain annoncé dans la nouvelle réforme (1999), d’abandonner le modèle d’enseignement qui se base sur l’approche par objectifs, dans le cadre de la théorie comportementale classique (Béhaviorisme), qui réduit l’acte d’apprentissage à des comportements observables et mesurables sans prêter attention aux processus mentaux qui les contrôlent. Ainsi, d’adopter un modèle pédagogique basé sur la méthodologie de résolution de problèmes en construisant des activités interactives dans le cadre de situations-problèmes.
1.1 Problème scientifique
1.1.1 Définition du concept du problème :
Le problème est un mot grec « Problema » qui signifie tout ce qui est difficile à expliquer ou à résoudre. C’est un questionnement qui mérite d’être résolu par des procédures pratiques nécessitant toujours des discussions et de débats scientifiques. Un problème est souvent défini comme une difficulté à surmonter ou comme un obstacle intellectuel à l’appréhension du vécu.
Rumelhard (1997) voit qu’en sciences de la Vie et de la Terre, les problèmes ne sont posés que rarement. De ce fait, le savoir biologique et/ou géologique se présente comme des résultats cumulés.
En sciences, quelque que soit la discipline, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes (Bachelard, 1993). Cependant, nous n’arrivons à la compréhension et à la solution d’un problème qu’après un travail long et intense sur ce dernier, comme le confirme Popper. A ce niveau, nous insistons de ne pas tomber dans la confusion de la question et problème. Car la question ne renvoie pas toujours à un ou des problèmes. Pour passer de la question au problème il n’y a pas de méthodes ou de recettes déterminées mais nous pensons qu’en déchiffrant les termes de la question et en adoptant des reformulations possibles de la question, nous pourrions aboutir (Boughanmi, 2009).
Selon Astolfi et Demounem (1997) les problèmes ne sont pas uniquement un moyen pour évaluer les acquisitions des apprenants mais ils peuvent être comme l’origine de la construction de leur savoir. Le problème scientifique passe donc d’un critère d’évaluation de l’apprentissage à un moyen d’acquisition et de réflexion sur le savoir en question.
1.1.2 Le problème moteur de l’activité pédagogique :
La plupart des théories de la psychologie de l’apprentissage s’accordent à dire que le problème est un facteur majeur de l’activité pédagogique, en particulier de la psychologie cognitive. Pour résoudre un problème scientifique, il y a deux étapes principales :
1.1.2.1 Etape de formulation du problème
Elle se caractérise par des caractéristiques importantes telles que : conflit sociologique, activité du problème, agacement épistémologique qui révèle les représentations limitées des apprenants sur le problème en question.
1.1.2.2 Etape de la résolution du problème :
Il se caractérise par :- La réalisation d’activités de recherche d’informations dans le cadre de situations-problème,- La programmation d’activités interactives pour résoudre les situations-problèmes,- L’exploitation des données diverses : documents, photo, photos transparentes, manipulation expériences, données de terrain, CD, sites internet …,- La formulation des réponses à chaque questionnement posé,- La formulation d’une réponse générale au questionnement général sous la forme d’un bilan conceptuel, qui prend en compte le niveau de conceptualisation,- La réalisation d’un modèle explicatif sous forme de schéma sur le phénomène scientifique.
1.2 Enseignement par la situation-problème dans le cadre de l’approche par compétence :
1.2.1 Définition de la compétence
C’est la mobilisation d’un ensemble de ressources acquises (connaissances, habilités, attitudes, comportements …), en plus des références, d’informations et des expériences fournies par l’environnement afin de résoudre une situation complexe au milieu ou dans l’environnement de l’apprenant.- L’adéquation s’acquiert par la maîtrise des ressources représentées dans les objectifs d’apprentissage et la formation pour intégrer ces ressources en adoptant les statuts d’un enjeu lié à l’adéquation.- La compétence spécifique est formulée en se basant sur un contenu scolaire, Elle est formée en général par des événements, des hypothèses, des théories et des lois qui définissent leur champ de connaissances.
1.2.2 Situation problème
La situation-problème est une situation d’apprentissage. Elle représente un moyen d’apprentissage qui ne s’intéresse par au résultat. La situation problème est une nouvelle stratégie d’enseignement qui favorise l’engagement des apprenants dans le processus de la construction des savoirs. Elle constitue une tâche globale, complexe et signifiante.
Tâche globale : Elle est complète, c’est-à-dire qu’elle a un contexte (des données initiales) et qu’elle contient un but. Elle requiert plus d’une action, plus d’une procédure ou plus d’une opération à faire ; elle pourrait être décomposée en plusieurs parties ou éléments.
Tâche complexe : Elle fait appel à plusieurs connaissances et à plus d’un type de connaissances (déclaratives, procédurales et conditionnelles). Elle présente un défi à la portée de l’élève (réaliste et réalisable) qui amène un conflit cognitif lorsque la solution n’est pas évidente. Elle peut toucher à plusieurs objectifs du programme, elle est donc très structurée sur le plan didactique puisqu’elle est créée en fonction d’un apprentissage précis.
Tâche signifiante : Elle a un sens pour l’apprenant parce qu’elle fait appel à quelque chose qu’il connaît, elle est en lien avec sa réalité. Elle est considérée concrète parce car elle a un but (un produit), qu’elle sollicite une action réelle et qu’elle requiert l’utilisation des connaissances, des techniques, des stratégies ou des algorithmes.
Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques et avantages d’une situation-problème dans l’enseignement-apprentissage.
Tableau 2: les caractéristiques et avantages d’une situation-problème dans l’enseignement-apprentissage.
Les caractéristiques d’une situation-problème :
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Elle contient des données initiales qui précisent le contexte de la situation et qui sont utiles pour résoudre le problème. |
Il y a un but à atteindre (différent de l’objectif d’enseignement) qui donne un sens à la mobilisation et à l’organisation des connaissances. | |
Il y a des contraintes ou des obstacles à surmonter qui exigent une réorganisation des connaissances antérieures et qui amènent l’élève à trouver d’autres moyens, donc à faire des apprentissages. | |
La démarche et la solution ne sont pas évidentes ; la personne doit faire une recherche cognitive active pour savoir comment procéder. | |
Les avantages de la situation-problème :
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Elle permet aux élèves de faire de réels apprentissages en les plaçant au cœur du processus d’apprentissage. |
Elle sollicite l’engagement des élèves ; ils deviennent davantage acteurs puisqu’ils utilisent leur bagage cognitif, leur intelligence. |
1.2.3 Situation de déclenchement ou de départ :
En début de chaque unité ou chapitre, l’introduction de tout sujet nécessite l’intégration d’une situation de départ. Elle représente un moment pédagogique fort, à ne pas négliger, puisque ses finalités sont à la fois de faire émerger les conceptions, de donner du sens au savoir à acquérir, de faire naître des questionnements et d’initier une démarche de recherche. Elle doit donc être le “déclencheur” du projet d’apprentissage de l’apprenant, d’où le nom de “situation déclenchante” que nous pouvons lui donner également.Pour atteindre ces objectifs, la situation problème doit respecter un ensemble de critères :· La situation doit être complexe. Construite sur le paradoxe ou la contradiction, elle génère le doute chez l’apprenant, et permet l’énoncé de questionnements multiples qu’il sera nécessaire de hiérarchiser et d’intégrer dans une problématique d’ensemble.Souvent, les supports utilisés sont très dirigistes et centrent sur un seul aspect du problème. Cela permet seulement une introduction au sujet d’apprentissage. A ce propos, De Vecchi a montré que le savoir prend un sens lorsqu’il remet en cause ce que l’apprenant croit connaitre. Autrefois préconisé, le “document d’appel” était souvent très dirigiste et trop centré sur un seul aspect du problème. Certes, il permettait d’introduire le sujet d’étude mais ne pouvait en aucun cas créer un doute et encore moins une rupture. Or, c’est par cette rupture, comme l’écrit De Vecchi, que le savoir prend du sens puisqu’il remet en cause ce que l’élève croit connaître, autrement dit, ses connaissances antérieures ou prérequis relatives au sujet d’apprentissage. Cela oblige l’apprenant à déconstruire ses modèles explicatifs initiaux, étant donné qu’ils sont inadaptés ou erronés.· Les documents choisis et proposés par les concepteurs des manuels ou par l’enseignant doivent être simples, lisibles et d’emblée accessibles aux apprenants. C’est leur confrontation qui doit poser des problèmes et non pas leur simple lecture. Les documents peuvent être sous différents formes : des textes, des données numériques (en chiffres), des phrases historiques, des photographies (paysages, échantillons…), des résultats expérimentaux, des faits en contradiction avec leurs croyances…
La problématisation est aujourd’hui l’une des clés de la progression scientifique. C’est en construisant des problèmes objectifs que nous faisons avancer le questionnement scientifique. Souvent les apprenants ne participent pas à la construction d’un problème dans la classe, l’enseignant pose le questionnement qui renvoie à un problème scientifique donné, et commence à y répondre. Cependant, l’acquisition et la maitrise des connaissances est loin d’être une transmission ou accumulation des connaissances et savoir. Plusieurs questions se posent sur la capacité des apprenants relatifs à la problématisation des savoirs scientifiques à enseigner.