
Le concept scientifique
1.1 Concept « concept »
Tout au long de l’histoire, l’homme est passé du stade de la gestion des perceptions (et des expériences partielles directes) à celui du traitement des abstraits et généralisations complexes, et par la suite le passage des faits partiels fragmentés au monde des concepts, dans le but de prédire, de distinguer et d’expliquer. Pour cette raison, l’enseignement scientifique en général, et celui des Sciences de la Vie et de la Terre en particulier, ont pris un aspect spécial, de sorte que les théories modernes de la didactique des sciences, en particulier le constructivisme, approuvent qu’il soit nécessaire de penser à l’enseignement à travers ces concepts, vu la place qu’ils occupent, à la fois, dans l’histoire et la philosophie des sciences.
Face à cet afflux de connaissances, l’attention s’est concentrée sur les concepts essentiels, en parallèle d’un abandon de la collection encyclopédique de connaissances, qui sont destinées à être communiquées et enseignées à l’apprenant.
Par conséquent, il faut adopter des méthodes et approches d’enseignement permettant à l’apprenant de maîtriser des concepts scientifiques, en ayant la possibilité de leur exploitation dans différentes situations afin de résoudre les problèmes scientifiques qui lui sont présentés.
Quelques définitions du “concept » :
« C’est une représentation symbolique, constitué par les caractéristiques communes entre plusieurs choses » (De Landsheere, 1979).
« C’est une représentation mentale générale des caractéristiques communes entre des catégories de sujets susceptibles d’être observés. Cette représentation peut être généralisée sur n’importe quel sujet possédant les mêmes caractéristiques » (Legendre R., 1988).
Dans le dictionnaire Robert (1990), le concept est défini comme « une représentation mentale abstraite et générale ». Cette définition identifie le concept à une création de l’esprit, à quelque chose d’abstrait. C’est cette idée d’une création de l’esprit qu’on retrouve dans la plupart des définitions.
Ainsi, dans le Petit Larousse (1991), on note : « le terme de concept correspond à une représentation intellectuelle d’un objet par l’esprit ». Le mot objet doit être compris au sens large du terme dans cette définition, il peut être matériel ou non.
Selon Legendre (1993) dans le dictionnaire actuel de l’éducation, le terme concept est « une représentation mentale et générale des traits stables et communs à une classe d’objets directement observables, et qui sont généralisables à tous les objets présentant les mêmes caractéristiques ».
Le concept est également défini par sa fonction, d’après Vergnaud cité par Guyon et Al. (1993) : « un concept rend intelligible une situation grâce à une sélection de fait, une interprétation de leurs occurrences, une mise en relation qui elles-mêmes génèrent et justifient cette relation ». Guyon et Al. (1993) défendent l’idée d’organiser, de rendre intelligible par la sélection des faits. Ils identifient le concept à un instrument de pensée, qui sert à mettre en perspective, à articuler les questionnaires, à répondre aux problématiques. Pour eux, « le concept fournit un éclairage dans la dualité permanente entre l’abstrait et le concret, l’universel et le particulier ».
Barth (1997) associe en plus des attributs, une étiquette à tout concept. On distingue les attributs essentiels (attributs se référant aux caractéristiques permettant un classement dans une catégorie fondamentale) et les attributs non essentiels (d’autres caractéristiques connues ou inconnues servant à la description). Une étiquette désigne la relation qu’il y a entre les attributs. Cette étiquette nous permet de regrouper tous les exemples qui possèdent la même combinaison d’attributs dans la même catégorie, quelles que soient les différences par ailleurs (Figure 1).
Figure 1: Schéma illustratif des composantes du concept.
D’après toutes ces définitions, nous pouvons dire que le concept est une déduction mentale des relations existante entre plusieurs choses ou sujets ayant les mêmes caractéristiques. Ces relations sont exprimées par un nom ou un symbole.
En didactique générale, le concept est caractérisé par :
- La détermination des relations existantes entre plusieurs faits, choses, sujets, attitudes…
- Ces relations peuvent résoudre des problèmes donnés.
- Ces relations sont souvent abstraites et globales, permettant l’explication, la prédiction et la distinction.
- Toujours en évolution, il a donc une histoire.
1.2 Concept scientifique et ses caractéristiques
Selon Astolfi (1990), le concept scientifique indique la relation, qui peut être existé entre plusieurs situations. Les concepts scientifiques sont caractérisés par des caractéristiques principales. La première, c’est qu’ils permettent l’explication et la prédiction. Quant à la deuxième caractéristique, les concepts s’expriment par une phrase où un symbole graphique où mathématique.
Pour Rumelhard en 1986, « Le concept scientifique peut être définit de la façon suivante :
- Il comporte une dénomination et une définition. Autrement dit, un nom chargé de sens le plus univoque possible, contrairement aux concepts linguistiques, qui sont généralement équivoques et polysémiques.
- Un concept scientifique est capable de remplir une fonction opératoire : fonction de discrimination ou de jugement, dans l’interprétation de certaines observations ou expériences.
- C’était un outil permettant d’appréhender efficacement la réalité, un instrument de théorie pour l’interprétation de phénomènes.
- Ce n’est pas un simple instrument d’explication, plus ou moins métaphorique, car ce qui garantit l’efficacité théorique, ou la valeur cognitive d’un concept, c’est sa fonction d’opérateur.
- Tout concept possède une extension et une compréhension, un domaine et des limites de validité, étroitement dépendant d’une définition nettement fixée.
- Un concept fonctionne toujours en relation avec d’autres concepts théoriques et techniques. Il est un nœud dans un réseau de relations, cohérent et organisé, et non un élément disposé à côté d’autres par simple juxtaposition. »
Le concept scientifique comporte une dénomination et une définition la plus univoque possible. Il est capable de remplir une fonction opératoire pour l’interprétation des phénomènes. Il a une fonction d’opérateur car il offre la possibilité de développement et de progrès du savoir. Il possède une extension et une compréhension, un domaine et des limites de validité. Il est en relation avec d’autres concepts théoriques et techniques.
Le concept scientifique est alors un outil théorique, qui permet de maîtriser les faits d’une manière efficace, afin d’expliquer et de prédire les phénomènes scientifiques. Il est caractérisé par une histoire épistémologique grâce à l’évolution de sa formulation.
Nous pouvons résumer ainsi les caractéristiques d’un concept comme suit :
– Il possède une dénomination, une définition.
– Il est capable de réaliser une fonction opératoire ou de discrimination.
– C’est un outil permettant la compréhension de la réalité et de l’interprétation des phénomènes.
– Il possède toujours la possibilité d’évolution, il a une histoire épistémologique.
– Le concept scientifique fonctionne en relation avec d’autres concepts théoriques ou technique.
1.3 Classification des concepts
D’une manière générale, nous pouvons distinguer les concepts linguistiques et les concepts scientifiques. Cependant, la classification la plus courante et celle de Bruner, 2000 (Tableau 1).
1.4 Concept intégrateur
Dans les programmes scolaires marocains des Sciences de la Terre, le concept « Tectonique des plaques » constitue le concept intégrateur autour duquel s’articule l’enseignement de cette discipline au secondaire collégiale et qualifiant.
Le concept intégrateur joue le rôle « d’outils opératoires de la pensée » (Hertig, 2012), et aide les apprenants à bien organiser leurs prérequis et leurs connaissances tout en structurant leurs nouveaux apprentissages.
L’enseignement de n’importe quelle discipline scientifique devra s’effectuer à travers ces concepts intégrateurs. Ce qui permet à l’apprenant de bien appréhender les problèmes scientifiques, pour pouvoir exploiter les données des situations complexes relatives aux sciences de la Terre. Les savoirs géologiques ne peuvent être enseignés d’une manière efficace que si l’on s’attarde sur la compréhension des différents concepts et phénomènes géologiques enseignés, externes ou internes, et leur mise en trame ou réseau des concepts liés à une problématique bien précise et formulée. Chaque concept prend son vrai sens à l’intérieur d’un réseau conceptuel ou trame conceptuelle dont son emplacement varie selon la situation et le problème posé. Certes, si la construction de ce réseau ne s’effectue pas, l’enseignement des savoirs pourrait se fractionner et se fragmenter et devenir seulement une superposition d’étapes dont la complexité de la réalité serait diluée et fragilisée, ou absente quelquefois.
L’adoption des concepts intégrateurs et réseaux conceptuels permettrait aux apprenants d’analyser la situation de manière globale, et de faire preuve d’esprit critique. Quant à l’enseignant, il doit éviter de linéariser sa manière d’enseigner, qui peut induire ses apprenants en erreur (Astolfi, 2010).
Enseigner les sciences de la Terre à travers les concepts, surtout intégrateurs, permettent de mettre en réseau les différents aspects d’une problématique ; et aide l’enseignant à éviter toute sorte de linéarité de ses raisonnements.
1.5 Trame conceptuelle
Ce concept a fait l’objet de plusieurs évolutions pendant ces dernières années (Giordan, 1987). Il s’agit d’analyser la structure conceptuelle du savoir à enseigner, de telle manière que ses différents éléments et informations n’y apparaissent plus selon une simple suite linéaire, peu structurée, comme cela se voit souvent dans les manuels scolaires. De là, vient l’idée de la construction d’une trame conceptuelle (réseau conceptuel), en identifiant les concepts clés en nombre restreint, qui présentent un aspect intégrateur, ainsi d’organiser autour d’eux un réseau logique des notions et du vocabulaire correspondant.
La trame conceptuelle se caractérise par les éléments suivants (Astolfi, 1997) :
- C’est une série d’énoncés complets, qui sont formulés sous forme de phrases.
- Il ne s’agit pas d’énoncés « déclaratifs », à la façon des définitions de dictionnaires, mais d’énoncés opératoires, reliés à un problème à résoudre.
- Ces énoncés ne se sont pas simplement juxtaposés mais hiérarchisés ente eux, chaque énoncé englobant d’autres plus élémentaires.
- Une telle hiérarchisation ne correspond pas à une progression chronologique d’enseignement, mais d’abord à des implications logiques entre les contenus des énoncés.
Les trames conceptuelles présentent un intérêt pédagogique crucial. Premièrement, elles servent à clarifier la matière enseignée, en aidant l’enseignant à bien organiser et structurer en réseau « arbre » les notions qu’il enseigne. Elles permettent également de raisonner une progression pédagogique, en transformant les liens logiques multiples du réseau sémantique en liens chronologiques choisis pour une telle progression pédagogique.
Les trames aident à concevoir des moments de structuration, permettant de réorganiser la suite des activités scolaires, de rompre le défilement linéaire dans lequel chaque point notionnel abordé « chasse » le précédent.
L’intégration de ce concept didactique « trame conceptuelle » dans les actions d’apprentissage et formations provoque une rupture intellectuelle dans la façon d’envisager l’acquisition des concepts.